01/09/2025
CSE: Missions et fonctionnement

Le droit d’alerte du CSE

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Le Comité Social et Économique (CSE) joue un rôle essentiel dans la défense des droits des salariés au sein de l’entreprise. Parmi ses nombreux leviers d’action, le droit d’alerte constitue un outil puissant permettant de signaler toute situation mettant en danger la santé, la sécurité, les libertés individuelles ou même la viabilité économique de l’entreprise. Trop souvent méconnu ou mal utilisé, ce droit mérite une attention particulière, car il permet d’agir rapidement face à des situations critiques.

Dans cet article, nous vous expliquons ce qu’est le droit d’alerte du CSE, dans quelles circonstances il peut être exercé, qui peut en bénéficier et quelles sont les démarches à suivre pour l’activer efficacement. Que vous soyez élu du CSE, représentant syndical ou simple salarié, comprendre ce droit est une étape clé pour garantir un environnement de travail plus sûr, plus juste et plus transparent.

Comprendre le droit d’alerte du CSE

Définition du droit d’alerte

Le droit d’alerte est un mécanisme juridique prévu par le Code du travail, qui permet aux membres élus du Comité Social et Économique (CSE) de signaler officiellement à l’employeur toute situation jugée préoccupante ou anormale au sein de l’entreprise. Ce dispositif s’applique à des faits susceptibles de porter atteinte aux droits des collaborateurs, à leur santé physique ou mentale, à leur sûreté, ou encore à la pérennité économique ou sociale de l’entreprise.

Il ne s’agit pas d’un simple signalement informel, mais bien d’une procédure encadrée par la loi, qui oblige l’employeur à réagir, enquêter et répondre dans des délais précis. En déclenchant ce droit, le CSE agit comme l’organe d’alerte et de prévention interne à l’entreprise, pour anticiper les crises ou faire cesser les dysfonctionnements constatés.

Objectif du droit d’alerte du CSE

Le droit d’alerte du CSE poursuit un double objectif fondamental. D’un côté, il s’agit de protéger les travailleurs face à des risques immédiats ou à des atteintes graves à leurs droits. Qu’il s’agisse de harcèlement, de discrimination, d’un danger grave ou d’une dégradation des conditions de travail, ce droit permet de réagir rapidement et de mettre en œuvre des actions de protection ou de correction adaptées.

De l’autre, le droit d’alerte du CSE vise à responsabiliser l’employeur, en l’obligeant à traiter sérieusement les signalements et à apporter des réponses claires, documentées et suivies d’actions concrètes.

Les 5 cas de recours au droit d’alerte

Le droit d’alerte du CSE peut être exercé dans des cas spécifiques clairement définis par le Code du travail. Selon la taille de l’entreprise, le nombre de cas d’application diffère. Les élus du CSE doivent précisément les connaître pour utiliser efficacement ce droit fondamental.

Dans les entreprises de 11 à 49 salariés

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, les représentants disposent de trois cas de recours au droit d’alerte, principalement orientés autour de la protection des individus et de leur environnement de travail.

Droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes

Ce droit s’exerce lorsqu’un salarié est victime d’un comportement portant atteinte à sa dignité ou à ses droits fondamentaux. Il s’agit notamment de harcèlement moral ou sexuel, ou encore de discrimination liée à l’origine, au sexe, à l’âge, à la religion, à l’orientation sexuelle ou à l’état de santé.

Le CSE a pour responsabilité d’agir rapidement face à ces dangers, en signalant les faits à l’employeur, et en déclenchant, si nécessaire, une enquête interne ou une médiation.

Droit d’alerte en cas de danger grave et imminent

Ce cas s’applique lorsqu’un danger immédiat et sérieux est identifié dans l’entreprise. Cela peut concerner des conditions de travail à risque, l’absence de protections individuelles ou collectives, l’exposition à des substances toxiques ou tout autre élément mettant en péril la santé ou la protection des effectifs.

Dès qu’un membre du CSE estime qu’un salarié court un danger, il est tenu de prévenir immédiatement l’employeur. Une enquête conjointe doit alors être ouverte, et des solutions de prévention doivent être mises en place sans délai.

Droit d’alerte en cas de risque grave pour la santé publique ou l’environnement

Le CSE peut également intervenir lorsque des pratiques de l’entreprise ou des situations observées sont susceptibles d’avoir un impact grave sur la santé publique (exposition à des agents pathogènes, contamination, propagation de maladies) ou sur l’environnement (pollution, rejet de produits chimiques, nuisances durables).

Dans les entreprises de 50 salariés et plus

À partir de 50 salariés, le CSE dispose de deux droits d’alerte supplémentaires, liés à la gestion économique de l’entreprise et à l’organisation sociale du travail.

Droit d’alerte économique

Ce droit permet au CSE de réagir à toute information économique préoccupante, comme une baisse soudaine du chiffre d’affaires, des difficultés financières, des restructurations, des fermetures de sites ou des licenciements collectifs. Dans ce cadre, le CSE peut interpeller l’employeur, demander des explications précises, et faire appel à un expert-comptable pour analyser la situation.

Droit d’alerte sociale

Enfin, le droit d’alerte sociale vise à détecter et à signaler les dysfonctionnements du climat de travail : surcharge de travail, risques psycho-sociaux, tensions entre équipes, conflits non résolus, absence de dialogue social, ou styles de management néfastes.

Ce droit permet d’alerter l’employeur sur un mal-être généralisé ou sur une dégradation des conditions de travail, afin de restaurer un climat social sain et prévenir les conflits collectifs ou le burn-out.

Qui peut exercer le droit d’alerte ?

Le droit d’alerte du CSE peut être initié par différents acteurs, chacun ayant un rôle bien défini dans le signalement et la gestion des risques. Néanmoins, la procédure officielle relève principalement des délégués du CSE.

Les représentants du personnel

Ce sont les élus du CSE qui disposent légalement du pouvoir de mettre en œuvre le droit d’alerte, conformément à l’article L.4131-2 du Code du travail. Ils sont chargés de surveiller les conditions de travail, de prévenir les risques professionnels, et de veiller à la protection des droits des collaborateurs.

Les délégués syndicaux, lorsqu’ils sont présents dans l’entreprise, peuvent également intervenir dans le cadre de certaines alertes, notamment en matière de droits fondamentaux ou de conflits collectifs.

Tous les employés concernés

Même si la procédure formelle du droit d’alerte est du ressort du CSE, tout salarié peut signaler une situation dangereuse ou préoccupante. Ce signalement peut concerner :

  • un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité
  • une atteinte à ses droits (discrimination, harcèlement)
  • un risque environnemental ou sanitaire constaté sur son lieu de travail

Il est important de noter que ce signalement, lorsqu’il est effectué de bonne foi, ne peut donner lieu à aucune sanction disciplinaire. Il peut être adressé directement à l’employeur, ou confié à un représentant du CSE, qui décidera alors de déclencher ou non la procédure d’alerte formelle.

Quelle est la procédure du droit d’alerte ?

Lancement de l’alerte

La première étape consiste à constater une situation anormale et à formaliser l’alerte. Cette déclaration doit obligatoirement être rédigée par écrit, afin d’en assurer la traçabilité.

Ce document doit contenir plusieurs éléments précis :

  • le nom et le poste du salarié concerné (s’il y a lieu)
  • la description détaillée du danger ou du problème constaté
  • les causes probables de la situation
  • les risques encourus pour la santé, la sécurité ou les droits du salarié

Ce signalement doit ensuite être transmis à l’employeur, qui a l’obligation d’en accuser réception.

Ouverture d’une enquête

À la réception de l’alerte, l’employeur est tenu de lancer une enquête immédiate en collaboration avec le membre du CSE à l’origine du signalement. L’objectif est de vérifier la réalité des faits, d’en évaluer la gravité et de déterminer les mesures correctives à mettre en œuvre.

Cette étape peut inclure des entretiens avec les personnes concernées, des visites sur site, ou l’analyse de données internes pour étayer les faits.

Réunion et dialogue

Selon la nature de l’alerte, une réunion d’urgence peut être convoquée dans un délai de 24 heures. C’est notamment le cas lorsqu’il y a danger grave et imminent, ou si un désaccord persiste entre le CSE et l’employeur sur la situation.

Dans le cadre du droit d’alerte économique, une question formelle doit être posée en réunion plénière du CSE. Celle-ci est inscrite à l’ordre du jour, et l’employeur est tenu d’y répondre par écrit dans un délai d’un mois. Il peut également être décidé de faire appel à un expert-comptable, aux frais de l’entreprise, pour analyser la situation économique.

Bilan et suites

À l’issue de la procédure, un procès-verbal est rédigé. Il récapitule les éléments analysés, les constats établis, les réponses apportées par l’employeur et les actions prévues.

Si aucune solution n’est apportée, ou si le danger persiste, le CSE peut saisir l’inspection du travail, la CARSAT (Caisse d’Assurance Retraite et de la Santé au Travail), ou en dernier recours, engager une procédure judiciaire contre l’employeur.

Obligations et droits du CSE

Le Comité Social et Économique (CSE) a pour mission principale de représenter les équipes et de veiller à la protection de leurs droits au sein de l’entreprise. Dans le cadre du droit d’alerte CSE, ses obligations et ses droits sont particulièrement liés à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail. Il agit comme intermédiaire entre les employés et l’employeur, tout en disposant de moyens d’action spécifiques pour faire respecter la législation.

Rôle en SSCT

Les élus du CSE ont une responsabilité directe en matière de prévention des risques professionnels. Ils doivent veiller à la santé physique et mentale des collaborateurs, et être force de proposition pour améliorer les conditions de travail.

Cela implique notamment :

  • de surveiller l’application des règles de sécurité
  • de signaler les situations à risque
  • de participer aux inspections et aux enquêtes
  • de proposer des actions correctives à l’employeur
  • d’accompagner les victimes de harcèlement, de stress ou de mal-être au travail

Le CSE agit donc de manière préventive et réactive, et peut jouer un rôle clé dans la mise en place d’un environnement de travail sain, sûr et respectueux des droits.

Recours à des experts

Face à certains scénarios complexes ou sensibles, le CSE peut faire appel à des experts indépendants pour l’aider à analyser les faits et formuler des recommandations.

Selon le type d’alerte, plusieurs formes d’expertise sont possibles :

  • un expert agréé en SSCT (par exemple en cas de danger grave ou d’accident du travail)
  • un expert-comptable (notamment dans le cadre du droit d’alerte économique)
  • la Commission Santé, Sécurité et Conditions de Travail (CSSCT), lorsqu’elle est mise en place dans les entreprises de 300 salariés et plus

Obligations de l’employeur

Lorsqu’un droit d’alerte est déclenché par un membre du CSE, l’employeur est tenu de respecter un certain nombre d’obligations légales, définies par le Code du travail.

Réagir sans délai à une alerte

Lorsqu’un droit d’alerte est déclenché par le Comité Social et Économique (CSE), notamment en cas de faits préoccupants liés à la santé des salariés ou à la situation économique de l’entreprise, l’employeur est tenu d’ouvrir une enquête afin d’évaluer la situation et d’identifier les solutions à prendre. Dans certains cas, il a l’obligation d’organiser une réunion d’urgence dans un délai maximum de 24 heures. Cette réunion permet d’établir un rapport précis sur les faits signalés et d’engager un échange immédiat entre la direction et les représentants du CSE. Qu’il s’agisse de contrats remis en cause, de comptes dégradés ou d’un changement brutal de stratégie, le conseil doit être formé rapidement afin de proposer des mesures adaptées ou de saisir, le cas échéant, les autorités compétentes.

L’inaction ou le retard de traitement peut exposer l’employeur à des risques juridiques importants, notamment en cas d’accident ou de préjudice causé à un salarié.

Collaborer avec le CSE

L’employeur doit travailler en collaboration étroite avec le CSE tout au long de la procédure d’alerte. Il ne peut ni ignorer ni écarter les représentants du personnel, qui ont un rôle reconnu par la loi.

Mettre en œuvre les mesures de prévention nécessaires

Si l’alerte révèle un danger avéré, l’employeur est dans l’obligation de prendre toutes les mesures de prévention adaptées, qu’elles soient techniques, organisationnelles ou humaines.

Cela peut inclure la modification des postes de travail, la mise à disposition d’équipements de protection, ou encore la formation du personnel. L’objectif est d’éliminer ou réduire le risque de manière tangible et vérifiable.

Informer les autorités compétentes

Dans certains cas, la gravité de la situation peut nécessiter de prévenir des instances extérieures comme l’inspection du travail, la CARSAT, ou d’autres autorités sanitaires ou environnementales.

L’employeur a alors le devoir de transmettre les informations nécessaires, et de coopérer avec ces organismes pour assurer la mise en conformité de l’entreprise.

En cas de manquement

Un employeur qui refuse de répondre à une alerte, entrave la procédure ou omet d’appliquer les actions de prévention requises, s’expose à des sanctions administratives et judiciaires.  Cela peut inclure :

  • des amendes
  • des dommages et intérêts pour les individus lésés
  • la mise en cause de sa responsabilité pénale, notamment en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle

Respecter les obligations liées au droit d’alerte n’est donc pas une option, mais une responsabilité légale et morale incontournable pour toute entreprise.

Protection des lanceurs d’alerte

Qu’il s’agisse d’un salarié ou d’un élu du CSE, toute personne qui signale un danger ou une atteinte aux droits dans le cadre de ses fonctions est juridiquement protégée contre les représailles.

Une protection encadrée par la loi

La loi Sapin 2, renforcée par les réformes récentes en matière de transparence et de lutte contre la corruption, ainsi que les dispositions du Code du travail, garantissent une immunité juridique au lanceur d’alerte, à condition que :

  • l’alerte soit formulée de bonne foi,
  • les faits signalés soient vraisemblables,
  • la personne ait agi sans intention de nuire.

Ces conditions sont essentielles pour distinguer une alerte légitime d’une dénonciation abusive ou calomnieuse.

Interdiction de toute sanction

Aucun salarié ou membre du CSE ne peut être sanctionné, discriminé, muté, rétrogradé, licencié ou mis à l’écart pour avoir exercé un droit d’alerte dans le cadre de ses fonctions. Toute mesure prise à l’encontre d’un lanceur d’alerte peut être annulée par les tribunaux, avec des sanctions financières à la clé pour l’employeur.

Confidentialité de l’identité

L’identité du lanceur d’alerte est également protégée par le principe de confidentialité. L’employeur, comme le CSE, doit veiller à ne pas divulguer l’identité de la personne ayant signalé une situation, afin d’éviter toute forme de pression, de harcèlement ou d’intimidation.

Accompagnement et soutien

Les membres du CSE peuvent accompagner les salariés dans leur démarche d’alerte et les aider à faire valoir leurs droits. Dans certains cas, des organismes externes ou des syndicats peuvent également intervenir pour assurer une protection renforcée.

En garantissant la sûreté juridique et personnelle des lanceurs d’alerte, la loi permet de favoriser l’expression des alertes légitimes, condition indispensable pour prévenir efficacement les risques et améliorer les conditions de travail.

FAQ – Droit d’alerte du CSE

Qu’est-ce que le droit d’alerte du CSE ?

C’est un droit légal qui permet aux élus de signaler une situation anormale dans l’entreprise, portant atteinte à la santé, la protection, les droits des salariés ou aux intérêts économiques ou sociaux de l’entreprise.

Le droit d’alerte peut être initié par tout salarié, mais sa mise en œuvre formelle relève des élus du CSE ou des délégués syndicaux, conformément au Code du travail.

Selon la taille de l’entreprise, il existe cinq cas de recours : atteinte aux droits des personnes, danger grave et imminent, risque pour la santé publique ou l’environnement, alerte économique et alerte sociale.

L’alerte doit être écrite, factuelle, argumentée, transmise au bon interlocuteur (employeur, CSE, inspection du travail) et archivée avec preuve d’envoi.

L’employeur doit ouvrir une enquête, organiser une réunion si nécessaire, et mettre en œuvre les mesures de prévention. En cas de désaccord, le CSE peut saisir l’inspection du travail ou la justice.

Oui. Un salarié ou un élu qui agit de bonne foi bénéficie d’une protection légale contre toute sanction ou mesure de représailles. Son identité doit également rester confidentielle.

Oui. Le CSE peut solliciter un expert agréé, un expert-comptable ou la CSSCT, selon la nature de l’alerte (santé, sécurité, finances…).

Un employeur qui ignore une alerte ou ne respecte pas ses obligations peut faire l’objet de sanctions administratives, judiciaires ou financières, notamment en cas de mise en danger avérée.

Le droit d’alerte du CSE est bien plus qu’un simple dispositif légal : c’est un outil stratégique au service de la prévention, de la protection des employés et du dialogue social en entreprise. En maîtrisant ses différents cas d’usage, sa procédure et ses enjeux, les élus du CSE peuvent agir avec efficacité face aux éléments à risque, qu’elles soient humaines, sanitaires, environnementales ou économiques.