Recours aux experts par le CSE : modalités, droits et financement. Le Comité Social et Économique (CSE) joue un rôle central dans la représentation des salariés au sein de l’entreprise. Pour exercer pleinement ses missions, qu’il s’agisse de consultations économiques, sociales ou stratégiques, les élus du personnel doivent souvent analyser des informations complexes et techniques. Face à ces enjeux, le recours à des experts qualifiés apparaît comme une solution indispensable pour accompagner les élus.
Le CSE dispose d’un droit fondamental à recourir à des experts pour l’accompagner dans l’exercice de ses fonctions. Cette possibilité n’est pas seulement une aide ponctuelle : elle constitue un levier essentiel pour permettre aux élus de jouer pleinement leur rôle de représentants des salariés, notamment face à la complexité croissante des enjeux économiques, financiers et sociaux des sociétés.
Grâce à l’intervention d’experts, les élus peuvent bénéficier d’une analyse indépendante, d’un éclairage technique précis et de conseils, afin de mieux préparer leurs consultations, leurs prises de position et leurs négociations avec l’employeur. Ce guide a pour vocation d’offrir aux élus du CSE une ressource claire, complète et accessible pour comprendre les modalités d’aide par des experts.
Le CSE peut-il se faire aider par des experts ?
Le droit pour le CSE d’être assisté
La liberté pour le CSE d’être assisté par des experts est pleinement reconnue par le Code du Travail. Il ne s’agit pas d’une simple faculté offerte aux élus, mais bien d’une garantie légale inscrite dans les textes, pour leur permettre d’exercer leurs attributions dans les meilleures conditions.
Les élus peuvent solliciter une assistance spécialisée lors des consultations récurrentes obligatoires, par exemple sur la situation économique et financière de la structure, sur la politique sociale ou encore lors de l’élaboration de la stratégie de la société. Mais l’appui d’un expert est aussi autorisé dans des circonstances particulières telles que l’apparition d’un risque grave, un projet important de réorganisation, ou encore dans le cadre de licenciements économiques collectifs.
Cadre légal : Code du travail
L’appui des experts par le CSE est encadré par plusieurs articles du Code du travail, notamment les articles L.2315-86 et suivants. Ainsi, l’article L.2315-87 prévoit que le CSE peut s’appuyer sur un expert-comptable pour l’assister lors des trois grandes consultations récurrentes : sur les orientations stratégiques de l’entreprise, sur sa situation économique et financière et sur sa politique sociale. L’article L.2315-94 encadre quant à lui l’appel à un expert habilité en matière de SSCT, notamment en cas de risque grave ou de projet important modifiant les conditions de travail.
Enfin, le financement de l’expertise dépend de la nature de celle-ci. Lorsqu’il s’agit des consultations économiques et sociales obligatoires, le dirigeant prend généralement en charge la totalité du coût. Dans d’autres cas, notamment pour des expertises dites « libres », le CSE peut être amené à supporter lui-même tout ou partie des frais.
Pour quelles raisons faire appel à un expert ?
Face aux multiples enjeux économiques, financiers et sociaux auxquels la société est confrontée, l’assistance d’un spécialiste permet d’apporter une vision claire, indépendante et approfondie. Les experts offrent ainsi un soutien précieux pour analyser les documents fournis par la direction, évaluer les conséquences de certains choix capitaux et proposer des recommandations pour défendre au mieux les intérêts des collaborateurs.
Consultation sur les orientations stratégiques
Lorsqu’une entreprise doit définir ou réviser ses stratégies, les élus du CSE sont consultés de manière obligatoire. Ces orientations portent sur les grandes lignes du développement futur de la structure : investissements, innovations technologiques, positionnement sur de nouveaux marchés, stratégies d’externalisation ou de fusion.
Consultation économique et financière
La consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise est un autre moment clé nécessitant souvent l’assistance d’un expert-comptable. Cette expertise permet au CSE de comprendre en profondeur les documents comptables et financiers transmis par l’employeur.
Rapports analytiques et recommandations
Le professionnel agréé fournit un rapport analytique qui examine les comptes annuels de la société, analyse ses marges de manœuvre financières et propose des recommandations stratégiques. Ce rapport est précieux pour identifier les forces et les faiblesses économiques de l’entreprise, ainsi que les opportunités et les risques éventuels.
Questions stratégiques : budget formation, résultats, exonérations fiscales
Le spécialiste aide également le CSE à répondre à des questions essentielles telles que la suffisance du budget alloué à la formation des équipes, la performance comparée des différentes branches de l’organisation, ou encore l’utilisation effective des exonérations fiscales, notamment du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Grâce à cette expertise, les élus peuvent mieux orienter leurs revendications et mieux défendre les intérêts des employés lors des consultations.
Consultation sur la politique sociale et conditions de travail
Le CSE est également consulté sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi. Cette consultation couvre des domaines sensibles tels que l’égalité professionnelle, la gestion des carrières, l’amélioration des conditions de travail, ou encore la qualité de vie au travail (QVT).
Projets de restructuration et nouveaux projets
Certaines situations exceptionnelles exigent tout particulièrement l’intervention d’un spécialiste pour garantir une compréhension fine des enjeux et des conséquences pour les collaborateurs.
Restructuration
Lorsqu’une entreprise prévoit une réorganisation importante, la structure des emplois ou l’organisation interne peuvent être profondément modifiées. Dans ce contexte, un consultant est indispensable pour analyser les projets de restructuration, anticiper leurs impacts sur l’emploi et proposer des alternatives pour limiter les licenciements ou améliorer le reclassement interne.
Introduction de nouvelles technologies
L’introduction de nouvelles technologies constitue une autre circonstance critique nécessitant l’accompagnement d’un expert. Qu’il s’agisse de l’automatisation de certaines tâches, de la mise en œuvre de nouveaux logiciels ou de changements dans les outils de production, l’impact sur les conditions de travail peut être significatif. L’expert évalue les risques liés à ces transformations, notamment en termes de SSCT et d’adaptation des compétences.
Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE)
En cas de licenciements économiques collectifs, l’élaboration d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) est une obligation légale. Le CSE peut alors faire appel à un référent pour analyser la pertinence du projet, étudier les mesures d’accompagnement proposées, et négocier des dispositifs de reclassement et de formation pour les salariés impactés.
Modalités du recours à un expert par le CSE
Décision et procédure
La décision d’engager une expertise appartient exclusivement aux membres élus du CSE. Elle doit être formalisée à travers une délibération prise en réunion plénière. Lors de cette délibération, seuls les membres du CSE participent au vote, à l’exclusion de l’employeur qui ne peut ni intervenir ni influencer le choix.
Cette décision doit préciser l’objet de l’expertise envisagée, ainsi que, si possible, le nom de l’expert pressenti et la nature exacte de la mission. Il est important que cette délibération soit consignée dans le procès-verbal de la réunion afin d’en conserver une trace officielle.
Une fois la décision adoptée, le spécialiste est informé de sa désignation. Le dirigeant, de son côté, est notifié d’un appui à l’expertise, ce qui déclenche ensuite une série d’obligations réciproques d’information entre le consultant et l’entreprise.
Communication du cahier des charges
Les élus peuvent choisir de transmettre à l’expert un cahier des charges pour définir les contours de sa mission. Ce document, bien que facultatif, est fortement recommandé. Il permet de cadrer l’intervention en précisant les attentes du CSE, les objectifs poursuivis ainsi que les délais à respecter.
Délais à respecter
Après sa désignation, le professionnel dispose d’un délai de trois jours pour adresser à l’employeur une demande d’éléments complémentaires nécessaires à la réalisation de sa mission. Ce dernier doit répondre à cette demande dans un délai de cinq jours.
Il peut remettre en cause la nécessité même de l’expertise, en arguant que les conditions légales ne sont pas réunies.
Par ailleurs, il peut soulever des objections concernant le coût prévisionnel de l’expertise, son étendue ou sa durée (généralement deux mois) s’il estime ces éléments disproportionnés au regard de la mission envisagée. Enfin, après la réalisation de l’expertise, il peut contester le coût final s’il considère qu’il excède manifestement ce qui avait été annoncé.
Avantages à recourir à un expert pour le CSE
L’appel à un expert représente un véritable atout pour le CSE. Au-delà d’une simple assistance technique, son intervention renforce l’efficacité du CSE, sécurise ses prises de position et améliore la qualité du dialogue social avec l’employeur.
Analyse professionnelle et indépendante
L’un des principaux avantages réside dans la qualité de l’analyse fournie. Grâce à son expérience et à sa maîtrise des domaines juridiques, économiques, financiers ou sociaux, le spécialiste est capable de produire une étude approfondie et objective de la configuration de l’entreprise.
L’expertise indépendante garantit également une neutralité dans le traitement des données. Elle offre aux élus du CSE la possibilité de s’appuyer sur un regard extérieur, non influencé par les enjeux internes de l’entreprise.
Qui paye le recours aux experts du CSE ?
La question du financement de l’expertise est essentielle pour le CSE. Selon la nature de l’expertise sollicitée et le contexte de sa réalisation, la prise en charge des frais peut varier. Le Code du travail prévoit des règles précises pour déterminer qui, de l’employeur ou du CSE, doit supporter les coûts de l’intervention de l’expert.
Prise en charge par l’employeur
Dans plusieurs situations, la totalité des frais liés à l’expertise est à la charge de l’employeur. C’est notamment le cas lors des consultations récurrentes obligatoires du CSE portant sur la situation économique et financière de l’entreprise, sur les stratégies et sur la politique sociale ainsi que les conditions de travail et d’emploi. Les expertises liées à l’identification d’un risque grave, qu’il soit révélé ou non par un accident du travail ou une maladie professionnelle et les licenciements économiques collectifs, sont également intégralement financées par l’employeur. Dans les entreprises de 300 salariés ou plus, l’expertise destinée à préparer la première négociation sur l’égalité professionnelle est aussi financée entièrement par l’entreprise.
Ainsi, dès lors que l’expertise est liée à une fonction de consultation obligatoire ou à un contexte de risque grave, la charge financière repose exclusivement sur le dirigeant.
Cofinancement CSE/employeur
Dans certains cas, le financement de l’expertise est partagé entre l’employeur et le CSE.
C’est principalement lors des consultations portant sur les orientations stratégiques de l’entreprise ou lors des consultations ponctuelles que le financement devient mixte : 80 % des frais sont à la charge de l’employeur et 20 % à la charge du budget de fonctionnement du CSE. Il est important pour les élus du CSE d’anticiper ces frais partagés et de prévoir, si nécessaire, une inscription de ces dépenses dans leur budget annuel.
Prise en charge exclusive par le CSE
Le CSE peut également décider de faire appel à un expert « libre », c’est-à-dire en dehors des cas expressément prévus par le Code du travail.
Dans cette situation, la totalité des frais d’expertise est supportée par le CSE sur son budget de fonctionnement. L’expertise libre peut être sollicitée à tout moment pour préparer les travaux internes du comité, accompagner une négociation ou mieux comprendre un projet complexe.
Le recours à un expert est-il obligatoire ?
Quand est-ce une obligation légale ?
Obligation pour l’expertise des comptes du CSE
Chaque année, le CSE est tenu de faire certifier ses comptes s’il dépasse certains seuils financiers définis par la loi. Dans ce cas, la nomination d’un expert-comptable est obligatoire. Cette fonction vise à garantir la transparence financière du CSE et à protéger la bonne gestion des fonds collectifs. Le référent réalise une analyse complète des documents comptables et remet un rapport aux élus, ainsi qu’aux collaborateurs.
Obligation en cas de risque grave
Lorsque survient un risque grave identifié au sein de l’entreprise, qu’il soit révélé par un accident du travail, une maladie professionnelle ou par d’autres indices, le CSE peut faire appel à un expert habilité. Cette expertise est indispensable pour évaluer la gravité du risque, proposer des mesures de prévention et sécuriser l’environnement de travail des équipes.
Obligation lors de projets importants modifiant les conditions de travail
En cas de projet de restructuration, d’introduction de nouvelles technologies ou de toute autre transformation majeure susceptible d’affecter la santé, la sécurité ou les conditions de travail, l’intervention d’un expert est fortement conseillée et souvent nécessaire. Il apporte alors une analyse précise des impacts prévisibles et propose des solutions pour atténuer les effets négatifs sur l’organisation du travail ou sur les employés eux-mêmes.
Enjeux du non-recours à une expertise obligatoire
Conséquences pour les élus du CSE
Ne pas solliciter une expertise obligatoire peut engager la responsabilité du CSE, notamment en cas d’accident ou de contentieux ultérieur. Les élus doivent être particulièrement vigilants et ne pas hésiter à initier une expertise dès qu’une situation à risque ou un projet important est porté à leur connaissance.
Sécurisation du dialogue social
Faire appel à un expert dans les cas prévus par la loi permet également de renforcer la crédibilité du CSE face à l’employeur. Il garantit un dialogue social plus équilibré et contribue à mieux défendre les droits des collaborateurs.
Droits et devoirs de l’expert
La personne désignée par le CSE bénéficie de droits spécifiques pour mener à bien son objectif. Toutefois, il est également soumis à des devoirs stricts destinés à garantir la confidentialité, la loyauté et la qualité de son intervention.
Droit d’accès et demande d’information
Libre accès aux informations de l’entreprise
Pour réaliser son analyse, l’expert dispose d’un droit d’accès à l’ensemble des informations pertinentes détenues par l’entreprise. Cette prérogative lui permet de consulter les documents comptables, financiers, sociaux ou organisationnels nécessaires à la réalisation de ses fonctions. Toutefois, cet accès reste limité aux seules données utiles pour répondre à l’objet de l’expertise.
Demande formelle d’informations
Dans les trois jours suivant sa désignation, le spécialiste doit formaliser ses besoins en informations auprès de la direction. L’entreprise est alors tenue de répondre à cette demande dans un délai maximum de cinq jours. Cette obligation vise à garantir la célérité de l’expertise et à éviter toute obstruction au déroulement des tâches.
Si certaines données ne figurent pas dans la Base de Données Économiques, Sociales et Environnementales (BDESE), l’expert a la liberté de solliciter directement des documents complémentaires, comme l’a confirmé la jurisprudence récente de la Cour de cassation.
Communication du coût prévisionnel
Par ailleurs, le consultant doit, dans un délai de dix jours après sa désignation, communiquer à l’employeur le coût prévisionnel de son intervention, ainsi que l’étendue et la durée estimées de sa fonction. Cette transparence est essentielle pour permettre à l’employeur d’apprécier la portée de l’expertise et, le cas échéant, d’exercer son droit de contestation.
Secret professionnel et discrétion
Respect du secret professionnel
L’expert est tenu au secret professionnel pour toutes les données relatives aux procédés de fabrication de l’entreprise. Cette obligation vise à protéger les secrets industriels et commerciaux et à garantir que les données sensibles de l’entreprise ne soient pas divulguées ou utilisées à d’autres fins. Le non-respect de cette obligation pourrait entraîner des sanctions disciplinaires ou pénales à l’encontre de l’expert.
Obligation de discrétion sur les informations confidentielles
En plus du secret professionnel, l’expert est soumis à une obligation de discrétion concernant les informations présentant un caractère confidentiel, dès lors que l’employeur les a formellement qualifiées comme telles.
L’expert ne peut donc communiquer ces éléments qu’aux membres du CSE concernés par l’expertise, dans le strict respect de la confidentialité requise.
Cette double obligation de secret et de discrétion est essentielle pour instaurer un climat de confiance entre l’expert, le CSE et l’employeur, tout en préservant les intérêts économiques de l’entreprise.
FAQ – Recours aux experts par le CSE
Pourquoi le CSE fait-il appel à un expert ?
Le CSE fait appel à un expert pour obtenir une analyse indépendante et approfondie des projets ou des documents présentés par l’employeur. Il aide les élus à mieux comprendre les enjeux économiques, financiers, sociaux ou organisationnels, et à défendre efficacement les intérêts des salariés lors des consultations ou des négociations.
Le recours à un expert est-il systématiquement obligatoire ?
Non, ce n’est pas toujours obligatoire. Il devient imposé dans certaines situations spécifiques, notamment pour la certification des comptes du CSE, en cas de risque grave pour la santé et la sécurité, ou lors de projets importants modifiant les conditions de travail.
Qui choisit l'expert et comment est-il désigné ?
L’expert est choisi librement par le CSE. La décision doit être prise par une délibération en réunion plénière, sans la participation de l’employeur. Une fois la décision votée, l’expert est officiellement mandaté pour mener son projet selon les termes définis par le CSE.
L'employeur peut-il contester l'expertise ?
Oui, l’employeur dispose d’un délai de dix jours à compter de la notification de la décision pour contester l’expertise devant le tribunal judiciaire. Il peut contester la nécessité de l’expertise, le choix de l’expert, l’étendue ou la durée de l’attribution ainsi que le coût prévisionnel ou final.
Qui finance l’intervention de l’expert ?
Le financement dépend du type d’expertise. Lorsqu’il s’agit d’une consultation obligatoire (contexte économique, orientations tactiques, politique sociale, risque grave, licenciements économiques collectifs), l’expertise est financée en totalité ou majoritairement par l’employeur. Dans le cas d’une expertise libre, le coût est entièrement à la charge du budget de fonctionnement du CSE.
Quelle est la durée d’une expertise et quelles sont ses étapes clés ?
La durée d’une expertise est en général de deux mois. Après sa désignation, l’expert formule ses demandes à l’employeur, établit un cahier des charges si nécessaire, remet une lettre de mission précisant le coût et la durée prévisionnelle, puis réalise son analyse. Il dispose d’un libre accès aux données de la structure pour mener à bien sa fonction, tout en respectant des obligations strictes de secret professionnel et de discrétion.
Le recours aux experts constitue un levier fondamental pour le CSE. Il permet aux élus de surmonter la complexité des enjeux économiques, financiers et sociaux auxquels les employés et l’entreprise sont confrontés. Qu’il s’agisse de consultations récurrentes, de projets décisifs majeurs, de situations de crise ou de restructurations, l’expertise apporte au CSE des arguments techniques solides, renforce sa crédibilité et lui permet d’agir de manière plus éclairée et efficace.